La déclaration du professeur Boniface Ouraga Obou, le 4 septembre 2025, selon laquelle il battra campagne pour le président Alassane Ouattara, constitue un tournant majeur dans son parcours académique et institutionnel. Agrégé de droit public, ancien conseiller au Conseil constitutionnel et président du Comité d’experts chargé d’élaborer l’avant-projet de la Constitution de 2016, Ouraga Obou a longtemps incarné la figure du juriste rigoureux, attaché à l’objectivité des textes et à une approche distanciée des contingences politiques. C’est à ce titre qu’il s’était distingué dans plusieurs interventions publiques, où il n’hésitait pas à affirmer que la Constitution de 2016 interdisait un troisième mandat présidentiel. Le 8 novembre 2016, il déclarait d’ailleurs sans ambiguïté : « Le Président de la République qui est à son deuxième mandat ne peut en briguer un autre. » Une position claire, perçue comme un désaveu implicite à l’égard du pouvoir et qui avait renforcé son image d’universitaire indépendant, soucieux de défendre la lettre et l’esprit du droit.
Son annonce de battre campagne pour Alassane Ouattara change la donne et révèle un glissement de posture : du technicien du droit au militant politique. Elle traduit d’abord une forme de fidélité au chef de l’État. En 2016, c’est Ouattara qui l’avait nommé président du Comité d’experts chargé de rédiger l’avant-projet de la Constitution de la IIIᵉ République, une mission centrale qui a façonné le paysage institutionnel actuel. Plus récemment, il a été promu conseiller spécial à la présidence chargé des questions juridiques, fonction qui le rattache directement à l’appareil d’État. En s’engageant ouvertement en campagne, Ouraga Obou semble donc prolonger ce lien de confiance et de loyauté, en l’inscrivant cette fois dans l’arène politique.
Mais cette décision ne relève pas seulement d’une gratitude personnelle. Elle peut aussi se lire comme une stratégie de positionnement. En s’affichant clairement aux côtés de Ouattara, il accepte de perdre une part de son image de neutralité pour gagner en influence politique. L’universitaire reconnu devient ainsi un acteur partisan, prêt à mettre son expertise et son aura morale au service d’un projet présidentiel. Ce choix est assumé comme une contribution patriotique, lui qui affirmait encore récemment : « Je suis exclusivement ivoirien ». En reprenant ce fil conducteur, il semble vouloir convaincre que son engagement dépasse la simple logique partisane pour s’inscrire dans une fidélité à la nation et à la stabilité des institutions.
Cependant, cette posture suscite des interrogations et révèle un paradoxe. Comment concilier l’Ouraga Obou de 2016, qui s’érigeait en gardien de la norme constitutionnelle en affirmant l’impossibilité d’un troisième mandat, et l’Ouraga Obou de 2025, qui choisit de militer pour celui qui a précisément exercé ce troisième mandat controversé ? Ses détracteurs y voient une contradiction qui fragilise sa crédibilité académique et ternit son indépendance intellectuelle. Ses partisans, en revanche, y lisent une évolution naturelle : le juriste, confronté aux réalités du pouvoir, se serait mué en homme d’État, privilégiant la stabilité et le patriotisme aux querelles d’interprétation juridique.
David Kouassi
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